Bien-sûr il y eu un avant et un après, un départ dans la vie semblable à un rêve. Trop tôt pourtant, la dureté de la réalitée nous a rattrapés. Sa santé avait toujours été fragile mais là, la maladie ne semblait pas vouloir partir.
Je dirais que cette épreuve ne nous a pas éloignés mais m’a changé (il est vrai qu’en tant qu’enfant, le fait de voir sa sœur dans un lit d’hôpital avec des câbles, on ne sait exactement d’où ils viennent et où ils vont, et encore moins à quoi ils servent, peut impressionner). J’étais mal à l’aise.
Je sais malgré tout que le lien qui nous unissait était et resterait le même, magnifiquement fort et indestructible.
Ensuite, il y a eu cette fuite douloureuse mais obligatoire pour échapper aux problèmes financiers et de justice, puisque l'entreprise familiale faisait faillite. Ma mère ne pouvait plus s'occuper de la gestion, passant son temps entre l'hôpital avec elle ou à s'occuper de moi et de ma petite soeur.
Elle avait peur d'être séparée de nous, par la prison, par exemple.
L'acharnement thérapeutique était aussi une des causes de ce départ.
Ma soeur étant en rémission, il fut décidé que nous partirions quelques mois à l'Ile Maurice, le temps de sa convalescence.
Les premiers temps dans ce nouvel environnement furent plein d’espoir, la maladie semblait perdre du terrain. Puis un virus frappa l’Ile, comme il en est de coutume dans ces pays chauds. Ses cellules cancéreuses flambèrent alors, et notre petite guerrière trop affaiblie ne put lutter.
Elle a été vaincue le 9 octobre 1999.
L’heure m’échappe car je jouais dans la cour lorsqu’elle a donné son dernier souffle dans les bras de papa arrivé à Maurice en urgence quelques jours auparavant. Il lui avait chantée sa dernière berceuse puis était descendu me rejoindre. Voyant que j'arrivais, il m’a prise dans ses bras et m’a emmenée faire un tour : ‘’tu vois, ta sœur est maintenant parmi les étoiles’’.
Ces mots sont gravés en moi à jamais car cette sœur était tout pour moi. Elle l’est toujours, mais ce n’est pas pareil. En tout cas, ils ont déclenché une avalanche de larmes… Le reste est confus, je suis rentrée chez moi. J’ai l’image de maman me serrant dans ses bras très fort et que nous avons continué à pleurer ensemble.
Des gens sont venus à la maison. Au début, je refusais de les accompagner mais je me suis vite résignée à pénétrer dans cette chambre où sa dépouille sans vie était couchée.
Nous avons décidée de l’incinérer, pour pouvoir prendre les cendres en Suisse. Une femme est venue la préparer pour sa dernière apparition publique.
Je n’avais rien à me mettre. J’ai finalement opté pour une robe trois couleurs, que maman a commenté dans le taxi:
‘’orange pour sa joie d’être enfin délivrée, bleu pour là où elle va et noir pour notre tristesse’’.
Au cimetière, j’ai suivi le cercueil tant que j’ai pu, soudain une grande porte se referma brusquement devant moi, me séparant ainsi du corps de l’être tant aimé.
Après sa mort nous vécûmes l’enfer, moralement, financièrement et physiquement.
Ce n’est que quelques années après que les choses semblèrent s’améliorer petit à petit.
Aujourd’hui tout va mieux. Nos parents ont réglé leurs problèmes avec la justice. Notre petite sœur est une belle femme épanouie dans son travail. Notre petit frère, né 7 ans après son envol, semble être un jeune homme bien dans sa peau, je suis très fière d'eux.
Quant à moi, j’ai maintenant mon indépendance et je la savoure chaque jour. Toutefois il me manque quelque chose et j’aurais beau chercher, cela sera toujours ainsi. J’espère seulement pouvoir un jour parler ou entendre parler d’elle sans pleurer.
Malgré tout, nous gardons tous des séquelles de ce drame mais nous essayons de vivre avec son absence.
Mon mot final sera, les quatre lettres plus belles qui soient pour moi,
LINA (son nom) SUITE AU PROCHAINE EPISODE 😉